Devenir quelqu’un
By Melissa | From : Marseille, France | School : Ecole de la 2eme Chance (Marseille)Je m’appelle Mélissa Hireche. Je suis française d’origine algérienne et sénégalaise. Je vis à Marseille.
Ma mère est née et a grandi à Marseille : Plus précisément dans les quartiers sud de Marseille. Sa mère, ma grand-mère, est alsacienne et son père était sénégalais. Ils ont eu quatre enfants : Germaine, Isabelle (ma maman), Laurent, et Gilbert (qu’on appelle tous tonton Laurel parce que c’est le plus rigolo de la famille (Laurel et Hardy). Il y a eu beaucoup de problèmes dans sa famille, un manque d’amour.
Mes grands-parents étaient violents envers leurs enfants. Pourtant, une des filles (Germaine) était la préférée.
Mon grand-père est tombé malade et à sa mort, Germaine a fait une dépression. Un jour en revenant de la plage en famille, elle a voulu retourner seule à la voiture et a lâché la main de ma mère. Malheureusement elle s’est faite renversé et n’a pas survécu. Elle avait douze ans et ma mère huit ans.
Cet horrible évènement a bouleversé la famille. Ma grand-mère est tombée en dépression et se vengeait (en quelques sortes) sur ses enfants. Ils ont tous été placés en foyer. Ma mère a revu son petit frère 10 ans après et son grand frère 25 ans après.
Ma grand-mère s’est remariée et a eu deux autres enfants avec un espagnol : ma tante Stéphanie et mon oncle Sébastien qui, eux aussi ont été placés durant leur enfance. Même qu’ils se soient revus, il reste toujours une distance entre eux car ils n’ont pas grandi ensemble.
Donc coté famille, je n’ai pratiquement personne. Malgré les liens que ma mère tentait de recréer, personne n’a voulu garder contact avec elle de peur de remuer le passé.
Au foyer où ma mère était placée à l’âge de 18 ans. Elle a rencontré mon père Madjid âgé de 26 ans. Ils étaient amis, et mon père a voulu présenter ma mère à sa famille qui était en Algérie. N’ayant plus de famille, ma mère était en dépression. Elle a décidé naïvement de le suivre. Il en a profité pour lui retirer son passeport et lui a posé un ultimatum : Soit ils se mariaient, soit elle ne rentrerait jamais en France. Ma mère a refusé. Mine de rien, il lui a demandé de l’accompagner pour signer « la décharge de retour en France ». Vu que ma mère ne comprenait pas l’arabe, ayant seulement 18 ans et n’ayant pas de famille, elle a signé ce document sans ne se douter de rien.
Bref la voilà mariée sans le savoir.
Il l’a renvoyé en France. Elle avait tout perdu même son travail d’auxiliaire puéricultrice. Elle a pris le bateau toute seule, seulement avec ses yeux pour pleurer.
Une fois en France, de honte, elle n’en a parlé à personne. De plus, n’ayant personne envers qui se tourner, elle a décidé d’accepter son sort. Elle était mariée et il allait bientôt la rejoindre en France. (3 mois plus tard). Il était amoureux et ainsi il obtenait les papiers français. De ce mariage sont nées 4 filles: Sonia et Sabrina mes grandes sœurs, Miryam la plus petite et moi-même.
Je m’appelle Mélissa, j’ai 17 ans. Je vis toujours à Marseille. J’habite dans un appartement avec ma maman et mes trois sœurs que j’aime beaucoup. On s’entend bien ensemble. On peut tout se dire.
Mon parcours n’a pas été facile à moi aussi. 20 ans après, ma mère a eu la force de divorcer car pour nous aussi ce n’était pas facile de vivre avec lui.
Il ne voulait plus nous voir. Son seul intérêt était de récupérer ma mère et un jour il nous a dit que nous n’étions rien pour lui.
Donc on a appris à vivre sans lui et sans son regard.
À l’école mon parcours scolaire était catastrophique et je ne pouvais rien y faire même si ma mère et mes sœurs me poussaient à travailler tout en me faisant la morale etc… Je n’y arrivais pas.
Mes sœurs ayant un parcours scolaire exemplaire je me suis sentie comme le vilain petit canard de la famille. Je n’avais plus la force de faire des efforts car pour moi, c’était peine perdue. Même ma mère a baissé les bras…
J’ai donc moi aussi baissé les bras et perdue toute confiance en moi. En fin de 3ème on m’a demandé de faire trois demandes de lycées pour l’année suivante. Les trois m’ont été refusées.
Je me suis retrouvée sans rien. Cela m’a découragé. Je me suis donc tournée vers ma conseillère d’orientation qui m’a conseillé le Lycée « La Floride ».
La Floride, étant de base un lycée de garçon, je ne me sentais pas comme un être-humain mais plutôt comme une proie prête à être chassée. J’y allais à reculons sans avoir aucun intérêt pour les cours donc, sans aucun remord, j’ai laissé tomber.
Je devais passer un CAP général et, (vous n’allez pas me croire mais je vous jure que c’est vrai!), c’est la faute à pas de chance. J’avais tout bien préparé (psychologiquement et niveau travail), il ne me restait encore deux épreuves et, c’est là où c’est incroyable : je me suis trompée de date car j’avais perdu mon papier de convocation. J’ai donc demandé à une fille qui était dans le même groupe que moi et, par méchanceté, elle m’a donné une mauvaise date. J’ai tout raconté à ma prof principale mais elle m’a dit qu’elle ne pouvait rien faire pour moi.
Alors que je n’avais pas trop confiance en moi, cette nouvelle épreuve m’avait complètement achevée. Pensant qu’il n’y avait plus d’avenir pour moi et que le bonheur je ne connaîtrais pas je me suis réfugiée chez moi et j’ai baissé les bras.
Mes sœurs ont repris le chemin de l’école et moi je suis restée chez moi avec aucun projet et je n’avais plus envie de chercher. Pour moi j’avais déjà tout raté.
Ma mère m’a motivée à aller à la mission locale car pour elle, ça l’avait aidé par le passé. J’y suis allée et on m’a proposé, comme je suis mineure, d’essayer «L’école de la deuxième chance ». Pour moi c’est « le lycée de la chance » tout court car on m’y a fait comprendre que tout n’était pas perdu, et on m’a surtout écouté sans me juger sur mes échecs.
Je suis un peu plus sereine et je prends de plus en plus confiance en moi.
J’ai retrouvée de la motivation à me lever le matin car maintenant, j’ai un but et mon but est de devenir quelqu’un.