Les larmes étaient mes seules amies
By Zouroihida | From : Marseille, France | School : Ecole de la 2eme Chance (Marseille)Je m’appelle Zouroihida. J’écris aujourd’hui pour vous raconter ma quête depuis mon premier cri dans ce monde.
Je suis née à Mayotte mais d’origine Comorienne. Ma mère a du remuer ciel et terre pour pouvoir me donner ma naissance sur l’ile de Mayotte pour pouvoir obtenir les papiers Français et que je puisse avoir un meilleur avenir et une école pour apprendre comme les autres enfants.
Petit autobiographie de ma famille : Mes parents sont d’origine Anjouanaise. Tous mes frères et mes sœurs sont nés la bas ils sont de nationalité comorienne et uniquement moi, la dernière de la famille je suis née à Mayotte et de nationalités française. Je ne vais pas vous mentir ma famille a dû galérer pour qu’on puisse avoir un toit pour être au chaud. Etre tranquille et réunis en famille.
En 1995 ma mère a dû aller à Mayotte pour ma naissance. Son périple a été difficile car son voyage n’était pas comme les autres. Traversée en bateau pendant 1 journée, entassés les uns contre les autres car la barge était petite. On était à peu près 50, plus les enfants et les mères enceintes. Elle a du atterrir à Mayotte, seule, sans aide, loin de sa famille. Elle devait me supporter moi dans son ventre, elle a fait la manche, devait se cacher des autorités. Mayotte était en plein combat pour l’indépendance. A ma naissance ma vie n’était pas rose comme certains nouveaux nés et enfant, je rêvais beaucoup, non pour avoir des jouets, mais pour que ma mère puisse retrouver sa famille. Mais elle faisait tout ça pour que j’aie un avenir meilleur et avoir l’éducation comme tous les enfants. A mes 2 ans, ma mère a été expulsée vers Anjouan car elle n’avait pas les papiers français. Elle m’a ramené avec elle et j’ai pu retrouver mes coutumes, ma famille, ne plus être nomade et vivre dans une petite maison à nous. En Anjouan l’école n’était pas accessible pour tous, je n’ai pas pu faire la maternelle comme les autres enfants. Je passais mes journées avec mon père à la campagne. Il plantait des aliments et cultivait aussi pour vendre au marché. Cela a duré jusqu’en 2003. A cette date, mes parents et moi sommes repartis à Mayotte.
C’était très dur mais c’était pour que je puisse accéder à l’école primaire. On nous disait que mes parents n’étaient pas mahorais donc je ne pouvais pas. En 2004, un ami de mes parents qui était mahoraise m’a pris en charge, m’a déclaré comme étant son enfant pour que je puisse aller à l’école et en même temps que je vive avec ma mère. J’ai donc commencé ma scolarité à l’âge de 8 ans en CE1 et non en petite section comme les autres. Du fait de ce retard, j’étais en difficulté pour apprendre la langue française, le parler et l’écrire comme tous les autres. J’étais analphabète.
Arrivée en fin de CM2 à cause de mes difficultés en français, ma scolarité au collège allait être différente par rapport à mes camarades car on m’a fait aller en classe de Préparation Professionnel et de Formation(PPF). Je ne voulais pas y aller parce-que j’ai entendu des gens qui disaient que là-bas c’était une école pour apprendre à planter des aliments. En fait ce n’était pas vrai. J’ai été là-bas pendant 2 ans et j’ai pu passer un examen en matières générales. J’ai pu accéder au cycle de Préparation Volontaire Professionnelle pendant 3 ans.
En troisième j’ai choisi comme projet professionnel CAP petite enfance mais mes notes au troisième trimestre étaient faibles et mon professeur principal m’a conseillé de faire un CAP ATMFC alors que ce n’était pas du tout mon choix ! J’ai accepté pour avoir un lycée et ne pas rester à la maison sans école. Dans ma vie je n’ai pas toujours eu le choix. Si je l’avais eu j’aurai voulu être comme les autres et avoir une scolarité normale. Les larmes étaient mes seules amies et oui, j’ai passé ma vie à pleurer m’acharner sur mon sort. A l’âge de 18 ans, j’ai enfin pu aller au lycée pour mon CAP ATMFC. A cette époque, ma mère était à Mayotte. On s’était trouvé un petit logis à deux sans mon papa. Parfois je rentrais du lycée je ne trouvais pas ce que je voulais à manger. Nous n’avions pas des douches comme tout le monde. On se lavait dans les sources. C’est l’endroit aussi où on lavait nos vêtements. Je recevais la bourse mais c’est comme si je ne l’avais pas. Je la donnais à ma mère pour qu’elle puisse acheter ce dont nous avions besoin pour vivre et aider ma famille à Anjouan.
Dans ma vie j’ai eu peu d’amis. Je n’étais pas le genre de fille qui passait ces vacances à la plage loin de chez moi… Je n’étais pas non plus chez moi, j’étais loin de ma famille.
Vu que je travaillais beaucoup je n’avais pas le temps de me trouver un compagnon. De plus je consacrais du temps à mes études car c’était ma seule préoccupation. Je pensais juste à aider ma famille.
À mes 18 ans, j’ai finalement rencontré quelqu’un. Je l’aimais beaucoup il était Mahorais, je voulais toujours être près de lui il a toujours été présent quand j’en avais besoin. C’était mon remède, mon médicament quand j’étais malade et je l’aimais énormément.
Mais toutes les belles choses ont une fin. Sa famille n’appréciait pas qu’on soit ensemble. Ils faisaient tout pour que ça se finissent entre nous et malheureusement ils sont arrivés à leur fin. Je n’en pouvais plus. Ils me critiquaient et me rabaissaient sans cesse. J’ai donc arrêté cette relation car ce n’était plus possible pour moi. D’autant plus que mon copain finissait par faire de même.
Au jour d’aujourd’hui, je pense toujours à lui. C’était mon premier amour et je l’aimais énormément.
De retour à Anjouan, je faisais des petits boulots pour pouvoir m’en sortir. J’allais à gauche à droite pour gagner de l’argent. J’étais parfois femme de ménage ou je lavais les vêtements d’autres personnes à la main. Je n’avais pas le choix.
Ma rémunération était minime mais je le faisais pour pouvoir m’en sortir et aider ma famille dans le besoin. Bien que je travaillais pour les autres personnes de mon village, ils n’ont eu aucune reconnaissance envers moi. Ils ont eu la lâcheté de nous exclure du village, ma famille et moi par simple prétexte qu’on n’était pas Anjouanaises comme les autres.
Comment les gens peuvent être aussi cruels ?
On n’avait rien. On ne causait pas d’ennui et pourtant on nous a rejeté comme des moins que rien.
Je suis arrivée en France en juillet 2016. Dès mon arrivée j’ai cherché un lycée pour passer un bac pro ASSP (accompagnement, soins et services à la personne). J’ai fait une demande à trois lycées mais ils m’ont tous refusé. Ils m’ont dit qu’ils manquaient de place.
Un lycée a eu la générosité de me conseiller d’aller à la mission locale. J’y suis donc allée et ils m’ont conseillés une remise à niveau dans un centre de formation (sedop) pour que je puisse apprendre la langue française. Apres cela la mission locale m’a conseillé l’école de la deuxième chance où je suis actuellement.
J’ai mis au courant ma famille qui actuellement habite toujours aux Comores dans un autre village bien évidement. Ils sont très fiers de moi et je leur donne toujours des nouvelles quand je peux.
J’espère réussir maintenant, trouver un métier que j’aime, pouvoir aider mes parents et ne plus vivre ce que j’ai vécu auparavant. Car même si je suis heureuse ici en France je garde toujours mon passé au fond de moi et je ne l’oublierai pas.